Lorsque nous nous sommes retrouvés à Santiago, nous avons décidé d'y rester avec Rocio et sa famille, qui ont eu la gentillesse de nous héberger presque une semaine supplémentaire. Nous en avons profité pour discuter de la suite du voyage et de visiter les alentours de la ville. C'est ainsi que nous nous sommes retrouvés à Molina, un petit village à 2 heures au sud de Santiago, où la maison de famille des Parra est située. Après une journée près d'une magnifique rivière d'où on pouvait sauter des falaises, nous avons passé deux jours dans la pittoresque maison qui croulait sous les vignes de raisins bleus argentés. En plus des raisins, des pruniers, des pêchers, des plantations d’oignons, de maïs, de tomates de toutes sortes et des poulets envahissaient la cour arrière de cette demeure. Nous avons été enchantés par cet endroit où nous avons goûté à de l'excellent vin provenant d'un vignoble environnant. En retournant à Santiago, après en avoir discuté longuement, nous avons décidé de vendre Road Runner avant de descendre en Patagonie, nous disant que cela se ferait plus rapidement dans la capitale. Ne pouvant pas le vendre à des locaux pour des raisons légales, nous avons rencontrés quelques acheteurs potentiels. Deux amis français étaient sur le point d'accepter notre offre lorsque nous avons constaté qu'il serait très difficile de voyager en Patagonie sans voiture (pas vraiment d'autobus, pas beaucoup de touristes sur la route que nous voulions emprunter, tout cela ajouté au fait que nous allions être 4 voyageurs pour la suite). Nous avons donc gardé notre vieille Bertha pour un 3000 kilomètres de plus. Nous ne savions pas ce qui nous attendait alors...

À 700 kilomètres au sud de Santiago se trouve la petite ville de Temuco, là où nous allions cherché le frère et le père de Fred, Guillaume et Alain, pour traverser la Patagonie. Nous nous sommes félicités d'être revenus sur notre décision de garder Road Runner jusqu'à ce qu'on s'arrête à Chillán pour souper... et faire notre premier accident du voyage. Eh oui! Le lendemain d'avoir décidé de ne plus vendre notre véhicule. À une entrée d'autoroute, un homme qui s'était trompé de route (il prenait la sortie au lieu de l'entrée...) est revenu sur la route de façon perpendiculaire et ce, sans regarder si des voitures arrivaient! Il nous a tout simplement rentré dand le côté. Heureusement, Road Runner n'a pas été tant blessée et les policiers sont arrivés rapidement. Malgré le fait que nous avons ouvert un dossier de sinistre, nous n'avons pas réussi à nous faire rembourser par les assurances à ce jour. Première malchance. Nous ne nous sommes pas laissés abattre par cela et avons gardé le sourire, considérant que nous étions somme toute très chanceux de pouvoir continuer à rouler et d'aller chercher nos deux compagnons à l'aéroport le lendemain.

C'est donc à 4 personnes que nous nous sommes dirigés vers la magnifique ville de Puerto Varas pour dîner et se ravitailler en nourriture. L'influence architecturale allemande était très présente dans cette ville donnant sur un grand lac surplombé d'un volcan de forme parfaite. Nous avons dormi à quelques kilomètres de là, sur le bord d'une petite rivière et avons exploré un peu les environs le lendemain, nous rendant à un autre lac et amorçant notre descente en Patagonie. En après-midi, nous avons du rebroussé chemin et faire halte à Puerto Montt, la plus grande ville de la région, puisqu'il n'y avait pas de station d'essence sur le premier chemin que nous voulions emprunter et nous n'étions qu'à demi remplis. C'est ce qui nous a apporté à utiliser le service de traversier pour se rendre sur la Carretera Austral, la route de quelques 800 kilomètres qui allait nous mener plus tard en Argentine. Il faut dire que c'était un détour agréable qui nous a permis d'admirer les fjords et les îles de la Patagonie.

Après avoir parcourus quelques centaines de kilomètres sur la Carretera Austral, nous avons campé à l'entrée d'un Parc National où une randonnée des quelques heures nous permettait d'observer un imposant glacier perché donnait naissance à une haute chute qui se déverse dans un lac proglaciaire situé dans une vallée grandiose, vestige de l'emplacement qu'occupait jadis le glacier et preuve irréfutable de sa régression rapide. Malgré le mauvais temps, nous avons fait cette randonnée merveilleuse et lorsque nous sommes arrivés au point d'observation, le soleil s'est pointé le bout du nez, ce qui a fait de cette belle journée une réussite, de plus que la pluie a repris au moment où nous reprenions la route pour notre prochain arrêt à Coyhaique.

La route s'est avérée très difficile pour Road Runner qui ne se l'est pas fait dire deux fois: première crevaison du voyage. Deuxième malchance. Toutefois, à quatre, nous avons mis quelques 20 minutes pour changer la roue et nous étions de retour sur la route en moins de deux. Nous avons arrêtés dans la ville de Coyhaique pour une nuit seulement et avons changé deux de notre quatre pneus puisque leur usure avait atteint un seuil critique. Cela ne nous a pas coûté très cher et nous a surement donné un bon coup de main pour la suite des choses. Nous nous sommes récompensés en buvant une bonne bière dans une petite microbrasserie locale et avons loué une auberge pour la soirée. Le lendemain, nous nous sommes dirigés vers Puerto Rio Tranquilo, un petit village touristique où nous avons été témoins de paysages et de formations géologiques époustouflants. Après avoir roulé toute la journée sur des routes qu'on aurait dites ravagées par des obus, nous avons pris une bonne nuit de repos pour se lever très tôt le lendemain et faire une petite excursion en chaloupe jusqu'à la cathédrale de marbre, une formation géologique naturelle due à la pression et l'érosion de la roche sur un lac d'une splendeur et d'une transparence ahurissante. Malgré le froid et le fait qu'on se soit fait aspergé d'eau dans la chaloupe, c'est une des activités et endroit que nous avons préféré dans le voyage.

Après cette magnifique excursion, c'était le temps de mettre le cap sur l'Argentine en empruntant une route qui ceinture le lac General Carrera / Buenos Aires (le nom du lac est différent, dépendant de quel bord de la frontière on se trouve), le deuxième plus grand lac de l'Amérique du Sud après le lac Titicaca, le lac qui s'étend sur une partie de la frontière entre le Pérou et la Bolivie. C'est une des plus belles routes que nous avons emprunté de notre vie, ce qui expliquait pourquoi on s'arrêtait toujours pour prendre des photos. La vue était tout simplement incroyable. La qualité de la chaussée était plutôt douteuse par contre, ce qui nous a mené à notre troisième malchance: le bris du système d'échappement. C'est là que nous avons constaté qu'il aurait peut-être été plus judicieux de vendre Road Runner à Santiago, comme nous comptions le faire avant notre départ pour la terre promise de la Patagonie... C'est donc avec un bruit d'enfer que Road Runner a traversé la frontière vers l'Argentine, le dernier pays de notre voyage. Nous avons ignoré ce petit détail pour quelques instants mais le pire était malheureusement encore à venir...